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Pour pleinement comprendre ce qu'est la soumission, vous
devez en premier lieu réaliser quelle est sa raison d'être.
Chez les êtres vivants, toutes les structures et tous les comportements
ont une utilité, et vivre ensemble en groupes sociaux présente
beaucoup plus d'avantages que d'inconvénients par rapport à
la vie en solitaire. La vie en groupe permet par exemple à un plus
grand nombre d'animaux de manger plus d'herbe, ce qui entraîne une
meilleure satisfaction des besoins nutritionnels de chaque individu. Mais
elle pose aussi aux animaux un certain nombre de problèmes, tels
qu'une compétition incessante pour des ressources limitées
comme la nourriture ou les partenaires sexuels.
C'est pour cela que s'est développée au fur et à
mesure de l'évolution la hiérarchie de dominance, également
appelée ordre hiérarchique; grâce à elle, les
comportements agressifs sont en grande partie remplacés par des
mécanismes sociaux plus évolués comme les menaces
ou les parades. A l'état naturel, chaque animal occupe sa place
dans les degrés divers de la hiérarchie; c'est une existence
relativement paisible, et si le dominant est solide et conséquent,
l'harmonie règne parmi ses subordonnés. Tous ceux qui sont
sous son autorité sont apaisés par sa force et sa cohérence,
et éprouvent peu le besoin d'exprimer de l'insécurité
par des attitudes hésitantes ou craintives. En effet, toutes les
caractéristiques permanentes de l'environnement sont acceptées
sans problème par les dominés à partir du moment où
elles sont acceptées par le dominant.
Mais quand l'autorité du dominant s'affaiblit, et que ceci est
perçu par le cheval immédiatement inférieur, des comportements
conflictuels apparaissent: une séance de grattage mutuel peut se
terminer par une morsure, il y aura des invasions de l'espace personnel
et des attitudes corporelles de défi. Selon les résultats
obtenus, le challenger peut soit continuer à défier son adversaire,
soit accéder à une nouvelle position hiérarchique,
soit battre en retraite.
Quand les animaux ont grandi ensemble, ils forment des hiérarchies
si subtiles que l'on pourrait croire qu'il n'y a pas de hiérarchie.
En fait elle existe bel et bien, mais n'est exprimée que par des
attitudes et des gestuelles extrêmement discrètes. Les hiérarchies
sociales ne sont de toute manière jamais définitives, et
en tout cheval existe une prédisposition innée à tester
le système pour tenter de monter dans la hiérarchie; ceci
est particulièrement manifeste chez les juments.
Les avantages qui leur sont apportés par une amélioration
de leur statut social sont évidents: plus leur rang hiérarchique
est élevé, plus elles ont un accès facile aux meilleures
ressources alimentaires et à l'étalon. Les juments dominantes
ont donc plus de chances d'être saillies les premières et
de pouliner plus tôt le printemps suivant, offrant ainsi à
leur foal les meilleures conditions possibles pour sa croissance.
Ce système flexible, qui permet aux individus d'évoluer
dans l'échelle de la hiérarchie en fonction de leurs qualités
propres, facilite grandement l'adaptation évolutive des animaux
à leur environnement. En effet, il favorise à travers la
sélection naturelle les caractéristiques de la dominance,
entraînant ainsi la formation et la préservation de populations
animales solides et robustes. |
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Un autre aspect de l'évolution du cheval affecte
l'organisation de la hiérarchie de dominance: il s'agit de leur
prédisposition naturelle à sélectionner les herbes
et les grains ayant la plus haute valeur nutritive. Il est important que
le cheval ait développé au cours de son évolution
un goût fin; il peut ainsi détecter et sélectionner
ces herbes dans lesquelles la sève monte au début du printemps,
et donc bénéficier le plus tôt possible de l'augmentation
de leur niveau nutritionnel qui se produit à cette époque.
La tendance bien connue à modifier leur comportement que présentent
de nombreux chevaux à ce moment de l'année est liée
à cette augmentation générale du niveau nutritionnel
des végétaux; le cheval en devient plus fringant, mais cela
peut aussi aller jusqu'au point de le rendre dominant et bagarreur. Les
entraîneurs de chevaux professionnels sont d'ailleurs souvent submergés
par les problèmes comportementaux au printemps.
Cette augmentation de la dominance facilite elle aussi l'adaptation
au milieu naturel: elle permet aux chevaux les plus robustes, ayant le
mieux choisi et assimilé leur nourriture, de monter dans la hiérarchie,
et favorise ainsi la reproduction des animaux reprenant rapidement du poids
et des forces après les temps difficiles et sous-alimentés
de l'hiver. Le corps du cheval est adapté à ces fluctuations
importantes de l'énergie emmagasinée: les réserves
énergétiques sont stockées à travers sa musculature
toute entière, et non pas seulement dans quelques parties séparées
du corps comme c'est le cas chez l'être humain.
Les juments dominantes ont tendance à produire des poulains dominants,
simplement du fait de la protection qu'elles leur procurent: ils peuvent
ainsi avoir des expériences précoces d'invasion de l'espace
personnel d'autres chevaux en toute impunité, et ont donc l'avantage
de pouvoir débuter leur vie dans les sommets de la hiérarchie.
Comme ce fut le cas pour le chien, la domestication du cheval a nécessité
l'élimination progressive, par le biais de la sélection,
des caractéristiques génétiques liées à
un tempérament très dominant. Cependant ce trait, et avec
lui la réponse de fuite, est réapparu dans les races modernes,
et ce notamment du fait du développement des races de chevaux de
course. Il y a en effet chez eux une corrélation positive entre
les performances en course et le caractère dominant, et ce particulièrement
chez les juments.
Une des particularités importantes de la dominance chez le cheval
est qu'elle ne dépend pas de la taille du corps, mais de facteurs
physiques internes tels que la vigueur et la robustesse, et de facteurs
psychologiques tels que le souvenir des réussites et des échecs
du passé et qui a été le premier occupant de la parcelle
de terrain disputée...
Les démonstrations de dominance peuvent avoir lieu en cascade,
débutant au sommet de la hiérarchie: le dominant attaque
son inférieur hiérarchique immédiat, puis ensuite
attaque le subordonné de ce dernier et ainsi de suite. Ce phénomène
est nommé agression redirigée et se produit dans toutes les
hardes de chevaux, ainsi que chez tous les animaux vivant en hiérarchie
de dominance, humains inclus. Mais il est plus susceptible de survenir
dans une population instable ou en nombre artificiellement faible, comme
par exemple une paire de chevaux: l'un d'eux est continuellement dominé
et le second s'en prend à autre chose avec une grande férocité,
cette autre chose pouvant être un autre animal ou une personne.
Les petits groupes sont pour les chevaux seulement un peu plus naturels
que la vie en solitaire, mais pas suffisamment pour ne pas les prédisposer
à des niveaux d'agressivité anormalement élevés.
Bien sûr, cela n'est pas toujours le cas, certaines paires de chevaux
finissant par établir entre eux une relation à long terme
stable et pacifique; dans ces cas là, la dominance est si subtile
et discrète qu'elle devient difficile à mettre en évidence.
Faire vivre les chevaux en paires peut également entraîner
d'autres problèmes, comme une plus grande dépendance entre
les deux individus qu'on ne le rencontre habituellement dans un environnement
naturel. |
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Le concept de soumission est donc directement lié
à l'ordre hiérarchique et à l'obéissance. Dans
toutes les disciplines, les entraîneurs compétents savent
reconnaître la soumission ou le manque de soumission, et savent comment
la rétablir et la maintenir. Mais la base comportementale de la
soumission est un aspect de la psychologie équine que tout cavalier
devrait connaître, et qui devrait faire partie de la formation professionnelle
de tout enseignant. Il est réellement atterrant de constater que
ce phénomène est encore si peu compris, malgré les
nombreuses incursions faites par la science dans divers domaines équestres.
Nous sommes par exemple devenus si obsédés par la mécanique
équestre que nous ne voyons plus le couple cheval-cavalier que comme
un système musculaire, et ne réussissons pas à enseigner
aux cavaliers des techniques d'éducation du cheval adéquates;
nous échouons également souvent à reconnaître
la tendance à contracter des habitudes que présente le cheval,
excepté quand ces habitudes sont mauvaises.
La relaxation qui se crée chez le cheval lorsqu'il adopte, de
manière correcte, une attitude longue et basse dans son dos et son
encolure n'a pas pour origine première l'extension des muscles tout
au long de sa colonne vertébrale, mais est en fait une conséquence
directe du port de tête lui-même. Il s'agit d'une attitude
de soumission, et cette posture est universellement répandue dans
le règne animal. Quand le cheval abaisse sa tête ou que celle-ci
est baissée manuellement par le cavalier, il devient plus calme,
et ainsi, progressivement, l'abaisse encore plus.
Les chevaux apprennent dès leur naissance que la tête en
position basse est associée au calme et à la soumission,
et qu'en position élevée elle l'est à la peur et à
l'adrénaline. La posture entraîne l'adoption du comportement
(A supposer que le cheval soit libéré de toute pression quand
il baisse la tête.) et vice versa. Il faut environ 30 secondes pour
atteindre la relaxation à partir du moment où le cheval a
abaissé sa tête, même s'il venait auparavant d'avoir
une montée d'adrénaline.
Il est toujours intéressant de noter chez nous autres humains
ce paradoxe: d'un côté, nous attribuons, à travers
nos actions et surtout nos paroles, une considérable capacité
de raisonnement au cheval; et de l'autre côté, nous le montons
comme s'il n'était qu'un automate. Quelque part entre ces deux extrêmes
se trouve la réalité du cheval: un animal social vivant selon
les règles de la hiérarchie de dominance, possédant
des sens bien plus aiguisés que les nôtres, une mémoire
supérieure, de grandes capacités d'apprentissage par conditionnement
et d'acquisition d'habitudes, et, à l'image des autres ongulés,
un développement relativement faible des facultés mentales
supérieures.
Qui plus est, nous appliquons aux dynamiques relationnelles du cheval
des connotations humaines, et imaginons non seulement qu'il est un partenaire
égal, mais aussi qu'il désire être cela. Rien ne pourrait
être plus éloigné de la vérité, étant
donné que le cheval domestique apprend très rapidement qu'il
doit se soumettre à l'homme; il perd sa liberté de choix
tôt dans son existence, généralement au moment du sevrage.
Le choix du cheval, si on le lui en octroyait un, serait de brouter en
paix en compagnie de ses congénères.
Cela ne veut pas dire que le cheval de sport n'est pas heureux de faire
son travail; il l'est en raison de sa tendance à contracter des
habitudes. Un cheval heureux est un cheval ayant des habitudes claires,
solides et cohérentes. On pourrait dire à la limite qu'un
poney au fond d'une mine de charbon est heureux dans ses habitudes, parce
que toute routine, s'il n'y a pas de conflit, l'amène au contentement
une fois que les habitudes sont acquises.
Mais soyons tout à fait clairs au sujet de l'origine de la relation
homme-cheval: la notion de coopération n'a aucun sens si l'on n'accepte
pas en premier lieu de reconnaître que le cheval domestique a été
privé de sa liberté. Il n'a en réalité pas
voix au chapitre quant à l'endroit où vous voulez l'emmener,
que vous soyez en train de le monter ou de le conduire en main. S'il refuse
d'obéir aux ordres, il est catalogué comme indiscipliné,
et chacune de ses incursions dans la liberté lui profite, résultant
en un accroissement du niveau de ses résistances inspiré
par la dominance.
Ceci nous amène à la présomption incorrecte suivante,
qui est que les chevaux ne peuvent être satisfaits que s'ils sont
égaux. Cette supposition est elle aussi purement romantique. Le
cheval est le plus heureux quand il vit dans une hiérarchie stable,
comme cela a été le cas depuis des millions d'années,
et comme cela l'est toujours pour tous les animaux vivant en ordre hiérarchique.
Seules quelques espèces de primates, comme certains babouins, font
exception aux règles de la hiérarchie et forment des coalitions.
La position qu'il occupe dans la hiérarchie importe réellement
fort peu au cheval, mais il lui est par contre extrêmement important
que cette position soit clairement définie. Il est parfaitement
satisfait d'être sous l'autorité d'un dominant dont le comportement
est clair, sans équivoque et conséquent, mais le sera beaucoup
moins s'il ne sait pas vraiment qui est le dominant parce que l'autorité
de ce dernier est faible et intermittente. Répétons-le, pour
une véritable satisfaction de ses besoins psychologiques, le cheval
a besoin d'habitudes clairement établies, où les règles
restent constantes.
Quand deux chevaux donnent l'impression qu'ils sont en train de devenir
égaux, des comportements conflictuels ne tardent pas à émerger;
les animaux deviennent anxieux et commencent à manifester des comportements
dominants afin de sortir de l'impasse. Ces comportements vont en s'intensifiant,
passant des gestes aux menaces, pour finalement déboucher sur des
comportements agressifs si la situation n'a pas encore été
clarifiée, la paix réelle ne pouvant régner de nouveau
que par le retour à une hiérarchie structurée. Donc,
à tous égards, l'égalité dans l'ordre hiérarchique
est étrangère au cheval et est pour lui une source d'anxiété.
En résumé, on peut dire que le cheval a besoin de savoir
qui commande, mais qu'il lui importe peu que ce soit vous ou lui, à
partir du moment où l'un de vous deux détient clairement
l'autorité.
Chez d'autres espèces animales, il a été très
bien démontré que dissoudre l'ordre hiérarchique dans
une égalité irrésolue aboutit à générer
un comportement conflictuel si massif que de nombreux domaines de la physiologie
en sont affectés, tels le système immunitaire, l'appareil
digestif ou la fécondité. J'ai constaté que ce phénomène
existe aussi chez les chevaux: tant que l'animal se trouve en situation
de conflit, il est impossible de lui faire gagner du poids quel que soit
son régime alimentaire, alors que sitôt après avoir
trouvé son équilibre dans une situation hiérarchique
stable de soumission, le cheval se met soudainement à prendre du
poids. |
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Manier et monter un cheval implique, même au niveau
le plus élémentaire, un certain degré de soumission
puisque le cheval accepte, dans une certaine mesure, d'obéir aux
demandes de l'humain; mais la dominance de ce dernier peut être incomplète,
et le cheval rester désobéissant dans certains domaines.
Si la dominance n'est pas complète, le cheval se sent jusqu'à
un certain degré en situation de conflit, ce qui le pousse à
intensifier ses tentatives pour résoudre le problème. Il
peut se comporter de manière craintive, particulièrement
si cette attitude aboutit à vous faire reculer et qu'il peut alors
envahir votre espace personnel. Mais, même si cela ne va pas jusque
là, votre manque d'autorité suscite chez le cheval l'expression
de la réponse de peur, car il est pour lui extrêmement déstabilisant
de découvrir que le supérieur hiérarchique en lequel
il est sensé placer sa confiance a des pieds d'argile.
C'est précisément pour cette raison qu'obtenir la soumission
au sol aussi bien que sous la selle est un élément essentiel
pour entretenir chez le cheval une attitude générale de respect.
Le cheval qui a une attitude dominante au sol mais semble soumis lorsqu'il
est monté verra son comportement sous la selle nettement s'améliorer
après que sa conduite quand il est tenu en main ait été
corrigée par quelques séances de travail à pied. En
effet, l'attitude réfractaire n'est pas une chose que le cheval
arbore seulement dans certaines situations: s'il découvre des brèches
dans votre autorité, il cherchera à monter dans la hiérarchie,
manifestant de manière erratique des attitudes craintives qui ne
sont qu'une part de son comportement en situation de conflit. Etant donné
que l'agression est en grande partie de la peur irrésolue, il se
pourrait que l'apparition de comportements réellement agressifs
ne soit qu'une question de temps.
La confiance réelle ne peut être établie solidement
que sur des bases de respect, à savoir que votre cheval doit vous
respecter en tant que chef de harde, exactement de la même manière
qu'il le ferait dans la nature vis-à-vis d'un cheval dominant. Toute
interaction cheval-humain implique la hiérarchie sociale. Si vous
n'insistez pas à tout instant sur l'obéissance au sol et
que vous permettez à votre cheval d'envahir votre espace personnel,
par exemple en faisant un pas vers vous ou en balançant sa tête
dans votre direction, vous obligeant ainsi à vous baisser vivement
ou à reculer pour esquiver, il est alors clair que votre cheval
a besoin d'une sérieuse révision de son attitude.
De même, lorsque vous le menez en licol, il devrait vous suivre
et s'arrêter de sa propre initiative, calquant en quelque sorte ses
mouvements sur les vôtres. Il ne devrait pas tirer sur la longe,
ou pire vous entraîner là où il a envie d'aller, car
une fois de plus cela indique un manque de soumission. Une fois qu'il est
réellement soumis, le cheval devient encore plus calme et docile
qu'auparavant. Comme tout comportement inné, l'instinct de dominance
sociale n'agit pas indépendamment des comportements acquis, et est
chez le cheval accru ou inhibé par les actions de ceux qui l'entourent.
Il est par conséquent facile de comprendre pourquoi les ordres
incorrects, contradictoires ou incohérents de la part du cavalier
ont très fréquemment une part importante de responsabilité
dans l'augmentation du niveau de dominance chez le cheval de selle. Le
gros du problème est constitué par l'envoi au cheval de signaux
contradictoires (Par exemple, ordonner en avant et arrêt
simultanément, avant même que les significations de ces deux
messages ne soient correctement apprises.), une équitation sans
rectitude ni équilibre, un contact irrégulier avec la bouche
du cheval du fait d'un manque de fixité, et le fait de ne pas récompenser
l'exécution par le cheval de chaque mouvement ou transition en cédant
instantanément.
Ce dernier élément est la source de nombreux conflits,
en particulier avec les jeunes chevaux, parce que les cavaliers commettent
l'erreur de croire qu'ils utilisent un renforcement primaire lorsqu'ils
récompensent vocalement ou en flattant l'encolure, et font insuffisamment
attention à bien synchroniser leurs aides avec l'obéissance
que leur offre leur monture. Tapes sur l'encolure et félicitations
vocales sont des récompenses apprises, non innées, et font
partie des renforcements secondaires. Ceux-ci sont enseignés au
cheval par une forme d'apprentissage nommée conditionnement classique;
c'est par lui que toutes les nouvelles associations sont apprises, et sa
durée de vie est relativement courte.
Cependant, la récompense que le cheval recherchera toujours en
premier lieu est le renforcement primaire constitué par la cessation
de la pression induite par vos mains et vos jambes dans sa bouche et sur
son corps. Quand vous appliquez de la pression dans la bouche ou sur le
corps du cheval, ou même quand vous le stimulez par des claquements
de langue, vous renforcez négativement son comportement à
l'instant où cette pression est supprimée. Le renforcement
négatif primaire est donc le principe de base de la majeure partie
des conditionnements opérants qui sont utilisés pour éduquer
le cheval de selle.
Si vous ne récompensez pas votre cheval en cédant instantanément
lorsqu'il vous a obéi, vous pouvez favoriser l'apparition de comportements
conflictuels qui peuvent se manifester par des tensions ou des résistances.
Parmi les résistances engendrées par la dominance, on trouve
renâcler, se dérober, refuser les obstacles, se cabrer, ruer,
tournoyer sur place, refuser de bouger, ainsi que souvent des manifestations
de tension et la réponse de peur.
Si votre cheval arrive à tirer un profit de ses résistances,
notamment par la liberté qu'il obtient avec la disparition de vos
aides, alors ses résistances seront renforcées, et la dominance
deviendra la cause première de résistances supplémentaires
que vous aurez des difficultés à contrer, même en améliorant
votre technique équestre. A ce moment là en effet, les habitudes
correspondantes auront été acquises et seront devenues de
solides schémas comportementaux; pensez par exemple au cheval qui
refuse systématiquement à l'obstacle.
C'est pourquoi la modification du comportement est souvent nécessaire
pour régler de tels problèmes; le cheval n'écoute
alors plus que sa dominance, et du fait des récompenses intrinsèques
que celles-ci lui rapportent (Suppression temporaire des pressions dues
aux aides, arrêt plus ou moins long du travail, voire disparition
du poids du cavalier de son dos...), les résistances persistent
en dépit d'un excellent entraînement dans une position impeccable.
Une fois que le comportement a été modifié, le maintien
d'un bon entraînement est nécessaire, afin de prévenir
la réapparition des comportements de conflit dans l'avenir.
Comme je l'ai mentionné plus haut, il ne faut jamais sous-estimer
les fortes tendances à contracter des habitudes existant chez le
cheval. A la différence des humains, le cheval n'agit pas selon
son libre arbitre et ses opinions, et n'a pas la possibilité de
comprendre le sens de ses propres actions. Au lieu de cela, il est guidé
par des comportements renforcés positivement ou négativement,
qui s'ils surviennent fréquemment (Par exemple s'ils sont répétés
par le cavalier.) deviennent des comportements automatiques, c'est-à-dire
des habitudes.
Toutes les actions que fait un cheval de saut d'obstacles, de cross
ou de dressage sont fondamentalement automatiques, et leur instantanéité
explique pourquoi il est possible de franchir en toute confiance des obstacles
élevés à une vitesse de 600 mètres par minute,
pour peu que le cavalier ne perturbe pas le cheval par un manque d'équilibre
ou des aides imprécises.
Ces observations offrent aux entraîneurs énormément
de possibilités pour obtenir la soumission du cheval sans force
ni violence. Il leur suffit simplement d'imiter les gestuelles et les comportements
naturels du cheval dominant, et d'exprimer cette dominance au cheval le
plus tôt possible dans son existence, tout en ne lui permettant pas
d'exprimer en retour ses propres comportements dominants. |
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