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Les cavaliers talentueux savent éduquer correctement
les chevaux; ils savent quand et comment utiliser les aides, et leurs résultats
en sont la preuve. Ils acquièrent ce savoir-faire soit par expérimentation
(Par tâtonnements), grâce à leur sensibilité,
soit en ayant reçu eux-mêmes un très bon enseignement.
Il est fort possible que bon nombre d'entre eux ne connaissent pas les
mécanismes réels de l'apprentissage chez le cheval, mais
en aient à la place une approche intuitive.
La connaissance théorique de ces mécanismes permet de
définir un système d'apprentissage pouvant s'appliquer dans
toutes les situations, et offre à ceux qui ne savent pas intuitivement
comment éduquer les chevaux la possibilité d'obtenir de meilleurs
résultats. Elle permet également de mieux comprendre comment
on peut modifier le comportement du cheval pour en éliminer les
mauvaises habitudes. Les principes de l'apprentissage sont applicables
à toutes les situations, que le cheval soit sous la selle, tenu
en main, attelé, ou à l'état sauvage, là où
ces stratégies d'apprentissage se sont formées et ont évolué.
Dans cette série d'articles, je vais décrire la manière
dont les chevaux apprennent et n'apprennent pas, et comment l'apprentissage
peut être accéléré ou entravé. En psychologie
comportementale, l'apprentissage est défini comme une modification
plus ou moins définitive du comportement faisant suite à
un renforcement. Par renforcement, j'entends un concept apparenté
au duo récompense-punition qui oriente l'apprentissage dans une
direction particulière. |
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Fruit de l'évolution, le cerveau du cheval est merveilleusement
doué pour apprendre différentes sortes d'informations, de
manières diverses. Le cheval a une excellente mémoire visuelle
du monde physique et des comportements qu'il a à adopter en réponse
à ce qui s'y déroule; ces comportements, que l'on nomme habitudes,
se manifestent de manière extrèmement rapide, telles des
réponses automatiques. Cette mémoire, d'accès très
rapide, est maintenue à long terme. N'étant pas masquée
par des processus mentaux plus complexes comme le raisonnement et l'imagination,
elle permet des réactions précises et instantanées.
L'expression de ces réactions est influée par les comportements
instinctifs tels que la réponse de fuite (Peur), le besoin de rapports
sociaux (Le désir du cheval d'avoir de la compagnie.), l'établissement
d'une hiérarchie sociale, les pulsions sexuelles, la faim, la soif
et de nombreux autres facteurs internes tels que la santé, la vigueur,
les hormones...
Lorsque les cavaliers veulent apprendre au cheval les mouvements sous
la selle, ils rencontrent une pierre d'achoppement qu'ils sont souvent
enclins à ignorer: leur propre équilibre. Seule une pratique
suffisante dans une position correcte pourra vous apprendre les aspects
les plus subtils de l'équilibre juste. Il est fort peu recommandé
d'apprendre l'équilibre sur un jeune cheval, car cela entraînera
inévitablement chez lui le développement de mauvaises habitudes:
un placé incorrect, dû aux déplacements involontaires
de votre équilibre et de votre centre de gravité; des problèmes
d'impulsion et d'engagement, ainsi qu'une bouche dure, causés par
le fait de vous accrocher sur les rênes pour tenter de conserver
votre équilibre. L'équilibre précis, que ce soit en
position assise ou en suspension, doit être constamment surveillé
par une personne compétente, et seul un enseignant efficace pourra
vous faire progresser rapidement. C'est seulement quand le cavalier aura
acquis un équilibre précis qu'il pourra ressentir si le cheval
est lui-même en équilibre; il pourra alors utiliser les renforcements
appropriés pour guider le cheval dans la recherche de son équilibre.
L'aboutissement de l'apprentissage est l'établissement d'habitudes,
de réponses automatiques. Ces habitudes existent dans le cerveau
sous la forme de circuits neuronaux et de sustances chimiques spécifiques.
Dans les premiers stades de la formation de ces habitudes, ces structures
sont fragiles; elles deviennent plus solides et permanentes au fur et à
mesure des répétitions et avec le temps. En règle
générale, il semble qu'il faille environ 3 à 7 répétitions
consécutives pour déclencher leur formation, et plus pour
les voir commencer à devenir plus solides, ceci à condition
bien sûr que le cheval ait à chaque fois reçu immédiatement
et de manière appropriée un renforcement. Celui-ci peut se
présenter sous la forme d'une suppression de toute pression (Céder
dans ses mains et dans ses jambes.), de nourriture ou de tout autre renforcement
primaire comme par exemple gratter la base de la crinère.
Plus le renforcement sera fort, plus l'habitude se formera rapidement.
Il est important d'éviter en permanence la réponse de peur;
en effet, la peur est un renforcement très fort et les habitudes
qui s'y associent se forment très rapidement. Durant l'apprentissage,
la formation des habitudes peut être accélérée
par l'adoption de programmes d'entraînement de 3 à 7 répétitions
d'une même tâche, entrecoupés de quelques minutes au
pas rênes longues. Ce cycle devra être répété
jusqu'à ce que vous ayez effectué 3 ensembles de 3 à
7 répétitions pour chaque tâche.
Par exemple, dans le cas d'un cheval refusant de partir au galop sur
le bon pied (Un problème courant chez les anciens chevaux de course.),
une méthode pour lui apprendre à prendre le galop correctement
peut être de le lui demander à partir de l'épaule en
dedans, ou en le menant à la longe, ou encore de le faire galoper
sur un cercle sur lequel on aura préalablement installé une
barre au sol (En maintenant l'encolure droite et en utilisant les aides
extérieures.); quelque soit l'exercice choisi, il devra, pour être
pleinement efficace, être répété de la manière
décrite ci-dessus.
Un tel problème devrait idéalement être résolu
avec l'aide d'un professionnel qualifié, car il est généralement
exacerbé par un mauvais placer et un manque d'équilibre.
En règle générale, plus le cheval a un tempérament
calme et peu réactif, plus le nombre de répétitions
nécessaires pour parvenir au même résultat a tendance
à augmenter. J'ai constaté, dans le cas spécifique
de la modification comportementale, que l'apprentissage est accéléré
significativement par l'utilisation de cette stratégie.
Un autre aspect important dans l'utilisation des répétitions
est que celles-ci doivent s'enchaîner le plus rapidement possible.
Le départ au galop, par exemple, aura bien plus de chances d'être
effectué correctement si le cheval a encore à l'esprit la
séquence des évènements de la répétition
précédente. Plus le délai sera long, moins il y aura
de chances d'obtenir à nouveau la nouvelle réponse souhaitée.
Pour prendre un autre exemple, le cheval ayant fait un refus à
l'obstacle (A supposer qu'il n'ait pas été gêné
par une faute du cavalier.) doit être reconduit à sauter cet
obstacle le plus rapidement possible, et ce saut doit être répété
au moins 3 autres fois. Chaque répétition doit être
suivie d'une récompense immédiate, afin d'accélérer
l'apprentissage et d'étouffer la tendance au refus. Plus le délai
entre les répétitions s'allonge, moins le cheval peut apprendre
de la correction, et plus il a de chances de découvrir que le refus
peut être une alternative envisageable. Je pense qu'apprendre de
cette manière au cheval à être de bonne volonté
constitue un atout important, notamment en compétition.
L'approche correcte pour erradiquer les habitudes indésirables
est d'empêcher leur expression. Par exemple, si le cheval a tendance
à s'effondrer sur son épaule intérieure en un point
précis du manège, le cavalier doit empêcher ceci de
se produire les fois suivantes en applicant plus fortement les aides s'y
opposant juste avant d'arriver à cet endroit, puis céder
et récompenser le cheval immédiatement. Ces mesures doivent
être maintenues au moins pour les 3 fois suivantes, juste pour être
sûr que la tendance a été éliminée et
qu'une habitude ne commence pas à se former. Il ne sert à
rien d'essayer de s'attaquer au problème après que l'habitude
ait été exprimée.
Dans tous les cas, quand il y a nécessité de corriger
une habitude indésirable chez le cheval, il faut prendre soin de
rechercher et d'éliminer les causes premières de cette habitude;
ainsi, une fois erradiquée, elle aura beaucoup moins de chances
de réapparaître.
Se cabrer est une habitude rencontrée chez les chevaux n'étant
pas dans le mouvement en avant, ou de manière plus fréquente
étant empêchés de se porter en avant par des mains
sévères. Une fois apprise, cette habitude offre au cheval
un moyen d'évasion efficace qu'il utilise activement pour se dérober
à son travail. Cette habitude dangereuse se rencontre aussi chez
les chevaux n'ayant pas appris durant leur débourrage à se
porter activement en avant, et en premier lieu à marcher au pas
avec de bonnes enjambées; cette lacune pourra être la source
de problèmes futurs lorsque le cheval aura à subir plus de
pression pour se porter en avant de la part de son cavalier. |
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Le mot renforcement est abondamment utilisé en théorie
de l'apprentissage; comme je l'ai expliqué plus haut, il désigne
à la base un stimulus faisant croître ou décroître
la probabilité d'un comportement lui étant associé
de se produire de nouveau.
Comme l'écrit si justement Tom Roberts :
"Si le cheval tire d'un comportement un profit quelquonque, que ce
soit en recevant de la nourriture ou en ayant un rapport social, par la
cessation du travail ou la suppression de toute forme de pression, par
le gain de liberté s'il parvient à s'échapper, ou
même simplement par le fait de différer le travail, alors
ce comportement est renforcé et la probabilité de le voir
se reproduire augmente."
Par exemple, donner de la nourriture au cheval après qu'il soit
venu à vous accroît la probabilité qu'il vienne de
nouveau les fois suivantes et se laisse attraper facilement. On distingue
les renforcements selon leurs caractères primaire ou secondaire,
et positif ou négatif.
Un renforcement primaire agit en relation directe avec les instincts
naturels du cheval: la nourriture, le sens du toucher, la douleur en sont
de bons exemples. Un renforcement secondaire, lui, agit en étant
associé à un renforcement primaire par apprentissage: flatter
l'encolure du cheval, le féliciter ou le gronder vocalement ("C'est
bien.", "Non !"...). Les renforcements secondaires n'ont aucun effet en
eux-mêmes si l'on n'a pas appris au cheval à les associer
à un renforcement primaire. C'est pourquoi flatter ou donner de
grandes tapes sur l'encolure est une manière humaine et inappropriée
de récompenser le cheval pour son comportement; il vaut bien mieux
gratter la base de la crinière, surtout qu'une étude récente
a montré que c'est à cet endroit là que le fait de
gratter le cheval induit en lui le plus de relaxation. En selle, récompenser
par de la nourriture n'est pas toujours pratique; de plus, cela peut ammener
le cheval espérant recevoir une récompense à quémander,
entraînant ainsi la perte de la concentration et du placer, et conduire
à l'incorporation dans le répertoire des comportements appris
d'habitudes indésirables. En conséquence, gratter la région
du cheval en avant de la selle est la récompense la plus simple
et la plus efficace que vous ayez à votre disposition.
Donner au cheval quelque chose qu'il aime pendant ou juste après
un comportement désiré constitue un renforcement positif.
Celui-ci se distingue de la récompense par sa synchronisation précise
avec le comportement à mettre en valeur. Le terme récompense
a un sens vague, il n'implique en effet aucune nécessité
de synchronisation: on peut en effet récompenser un cheval quelques
millisecondes ou de nombreuses minutes après le comportement approuvé.
La récompense différée est inefficace par rapport
au renforcement positif, car du fait de l'intervalle de temps, le cheval
ne peut tout simplement pas établir de rapport entre le comportement
récompensé et la récompense. Le seul résultat
utile de cette récompense différée est qu'elle contribue
à renforcer les liens entre vous et votre cheval, ce qui, en soi,
est hautement désirable. Mais ne tombez pas dans le piège
consistant à penser que le cheval pourra apprendre quoi que ce soit
d'une récompense différée; quelques friandises après
une bonne séance de travail consolident les liens qui vous unissent
à lui, mais ne servent pas à récompenser son bon travail.
La meilleure manière de récompenser un bon travail est
de le faire pendant ce travail, immédiatement après avoir
obtenu une réponse désirée. Mettre le cheval rênes
longues et lui gratter le garrot pas plus tard qu'une ou deux secondes
après une réponse correcte sont les plus puissants moyens
de récompenser à la disposition du cavalier, étant
donné que celui-ci ne peut pas mettre pied-à-terre dans ce
laps de temps; en effet, descendre du dos du cheval constitue aussi pour
lui une récompense.
La majeure partie de l'éducation du cheval est accomplie en utilisant
le renforcement négatif, qu'il ne faut pas confondre avec la punition.
Il n'a rien à voir avec elle, et encore moins avec la violence.
Le renforcement négatif se définit par le fait de supprimer
un stimulus que le cheval n'aime pas (Comme par exemple la pression de
votre jambe.), utilisé pour produire la réponse désirée
(Par exemple céder à cette jambe en déplaçant
ses hanches.), au moment même où le cheval se soumet.
Le renforcement négatif doit se produire pendant le comportement
non désiré, et non pas après lui. Cela peut être
par exemple le tapotement régulier du stick de dressage, maintenu
tant qu'une réponse incorrecte est obtenue, et cessant instantanément
lorsque la réponse correcte commence.
Par opposition, la punition est le fait d'infliger un stimulus douleureux
après un acte. L'utilisation de la punition différée
dans le cadre de l'entraînement des chevaux est en partie le reflet
de la mentalité vengeresse de notre culture traditionnelle, et est
basée sur le préjugé injuste et faux que le cheval
peut associer les relations de cause à effet d'évènements
séparés par le temps. Autrement dit, quand vous faites souffrir
votre cheval pour punir ses fautes, la connection sera faite seulement
avec le comportement ayant directement précédé la
correction. En fait, la punition ne peut être efficace que si elle
advient immédiatement après la réponse incorrecte,
à condition qu'elle soit utilisée judicieusement et seulement
une fois. Elle devrait de toutes façons n'être utilisée
que dans le cas de résistances dangereuses.
Le résultat de la punition différée est que la
réponse correcte ne pourra pas être incorporée dans
la mémoire du cheval, et que sa réponse de peur sera sollicitée
en proportion du degré de douleur infligé. Cette dernière
aura alors toutes les chances d'être exprimée par une tentative
de fuite. Pour parler clairement, disons que la punition sert largement
à faire se sentir mieux celui qui l'inflige, et que des études
ont montré que chez certains humains la violence peut être
un renforcement.
Pour bien réaliser la différence entre renforcement négatif
et punition, prenons l'exemple d'un cheval craintif qui a l'habitude de
donner un coup de pied défensif à chaque fois que vous touchez
son arrière-main. Le punir après son coup de pied ne pourra
que le rendre encore plus craintif et plus nerveux, et il y a de bonnes
chances pour qu'il essaie de taper encore plus fort. Cela peut durer longtemps...
Considérez maintenant une approche par le renforcement négatif:
prenez un long stick de dressage, et tapotez régulièrement
avec, d'abord le long du flanc du cheval, puis en descendant le long de
sa jambe alors qu'il tente de taper; n'arrêtez et n'éloignez
le stick que lorsqu'il cesse de lui-même de vouloir taper. Vous devriez
ainsi pouvoir faire progressivement disparaître ce dangereux comportement. |
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En modification comportementale, les comportements tendent
le plus souvent à se réduire en intensité plutôt
qu'à diparaître immédiatement. Ruades et cabrés
se réduisent progressivement à des gestes symboliques, avant
de finir par disparaître complètement. Ceci est dû au
fait que le comportement est généré par des habitudes
associées à des circuits neuronaux, et que ceux-ci ne peuvent
pas simplement disparaître; ils doivent être modifiés
progressivement, et cela prend du temps, comme lorsque l'on essaie de modifier
le cours d'une rivière.
Lors de la correction de problèmes chez le cheval, cela permet
à l'entraîneur professionnel d'avoir devant lui quelques délais
pour apprendre au cavalier d'une part à maintenir et encourager
le nouveau comportement, et d'autre part à identifier les vestiges
de l'ancien vice afin d'écraser dans l'œuf toute tentative de réapparition.
Chaque comportement, qu'il soit bon ou mauvais, est généré
par la présence dans le cerveau d'un ensemble de connections neuronales;
ces structures, qui font partie de l'acquis, ont été créées
par l'action du monde physique sur le cheval, et sont donc en fait en grande
partie dues au cavalier.
Vous devez toujours veiller à récompenser toute tentative
du cheval allant vers un comportement désirable, grâce au
pouvoir du toucher couplé à la parole. En dépit de
sa remarquable mémoire, ses capacités d'association restent
limitées, ce qui veut dire que vous ne devez pas lui en vouloir
pour son comportement. Les décisions d'agir d'une certaine façon
ne sont pas chez le cheval le produit d'une approche réfléchie,
comme c'est le cas chez l'être humain; elles sont plutôt une
représentation directe des circuits neuronaux les plus renforcés
dans son cerveau et de ses pulsions et instincts naturels, comme la peur,
la dominance, la curiosité...
Etre conscient de ceci devrait améliorer considérablement
la compréhension des moyens à utiliser pour établir
les bonnes habitudes et anéantir les mauvaises. En effet, vu sous
cet angle, le cheval n'est pas responsable de son comportement car il n'a
pas de réel libre-arbitre. Il apparaît beaucoup plus comme
étant la victime des réponses qui lui ont été
apprises. |
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